Le burn-out : quand le travail consume le sujet

En cabinet, je rencontre souvent des patients qui ont « tenu » jusqu’à ce que tout s’effondre : corps, pensée, désir.
Ils ne sont pas seulement fatigués — ils se sentent vidés, étrangers à eux-mêmes. Le burn-out n’est pas qu’un excès de travail ; c’est une crise de la subjectivité. Le sujet s’épuise à vouloir être à la hauteur d’un idéal impossible : parfait, performant, irréprochable.

L’épuisement de l’idéal

Ceux qui s’effondrent ne sont pas les moins motivés : ce sont les plus investis. Ceux qui ont voulu bien faire, combler les attentes de l’Autre — l’entreprise, la hiérarchie, parfois la famille.
Mais à force de vouloir répondre à toutes les demandes, le sujet perd le lien à son propre désir. Il obéit à une voix intérieure, un Surmoi qui ordonne sans relâche : tu dois, tu peux, tu n’as pas le droit de faiblir.
Quand le corps lâche, c’est souvent l’inconscient qui dit stop là où le moi refusait de s’arrêter. L’épuisement devient alors le signe d’une vérité : celle d’un idéal devenu tyrannique.

Le travail comme scène du sacrifice

Notre époque a fait du travail une religion. Il faut s’y accomplir, s’y dépasser, s’y sauver. L’échec devient une faute.
Mais derrière la souffrance se cache souvent une jouissance : celle d’avoir tout donné, d’avoir tenu, d’avoir été à la hauteur.
Le burn-out dévoile cette jouissance du sacrifice. Le sujet moderne n’est plus seulement exploité : il s’exploite lui-même. Le discours social ne dit plus travaille, mais aime ton travail — et c’est précisément cet amour qui consume.

Quand le désir s’éteint

Après l’effondrement, beaucoup décrivent un vide : plus de motivation, plus de colère, plus de plaisir.
Ce vide n’est pas une absence d’émotion, mais une défense contre une angoisse plus profonde : celle d’avoir perdu le fil du désir.
Tant que le travail soutenait l’image de soi — utile, efficace, reconnu — la vie tenait debout. Quand cette fiction s’écroule, le sujet ne sait plus qui il est. Le burn-out devient alors une crise identitaire : que reste-t-il de moi quand je ne produis plus ?

La psychanalyse : désobéir à l’idéal

La psychanalyse ne cherche pas à « réparer » ni à « remettre au travail ».
Elle offre un espace où le sujet peut entendre ce qui s’est joué dans son rapport à l’idéal et au devoir. Par la parole, il devient possible de reconnaître la logique du sacrifice : à qui, ou à quoi, ai-je voulu plaire ? Quelle dette imaginaire ai-je tenté d’effacer ?

Peu à peu, cette élaboration permet une désidentification : sortir du rôle du bon élève, du collègue irréprochable, du « celui qui tient ».
Retrouver un espace de désir propre, libéré du regard de l’Autre — non pour fuir le monde professionnel, mais pour y revenir autrement, à partir de soi.

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